Jonas

Les décisions prises cette semaine risquent d'être définitives car les Aquitains, que certains de nos lieutenants voudraient convaincre d’aller contre l'armée du vieux Hisham pour notre compte, nous haïssent et n'épargnent jamais nos soldats... Les pêcheurs dans leurs barques, les voiles tendues, le premier noeud défait par le maire du village, les voiles gonflées par le vent et les barques ont filé, filé, filé jusqu’au moment où le vent s’est arrêté de souffler alors les barques ont cessé d’avancer, alors les habitants ont vécu sur les réserves de l’année précédente et quand il n’y avait plus rien à manger, la famine tout doucement, insidieusement s’est installée. À l’orée de la forêt de fer, pour la toute première fois de sa vie, Jonas se retourne, face aux ténèbres. Sur le chemin, nous sommes encore assaillis par les Obotrites, qui font embuscade. Jonas a l'impression de ne jamais avoir rien fait, il lui arrive ainsi assez souvent de ne pas finir ses phrases, et il aime caresser les pierres ou s'abîme dans la contemplation des chênes des parcs — son principal mécontentement dans l'existence est de devoir vivre à Nîmes. Des larmes sans cesse coulent le long de ses joues ; dans leur baraquement, les hommes sont plus sages : ils sont aussi plus souvent dans la montagne, à l’exercice ou à l’embuscade, et nos officiers sont prompts à punir les nuits mauvaises. La foule empêchait les chevaux d’avancer et nous vîmes pendre les hommes. Nous entendons souvent dire par les lieutenants qu'Abbenans sera détruite, et Hisham, le vieux Hisham, pendu sur les ruines de son palais imbécile, tandis que nous préserverons Aix la Chapelle... Jonas souriait gentiment en parlant, Jonas était penché sur la fosse et la pierre et passant la main sur la pierre montrait des signes qui ne disaient rien du roi ou du Dieu — pas de croix, pas d'aigle : sous le champ, pour tromper les paysans, on avait enterré le roi comme un mendiant mais ce n’était pas le roi, ce n’était pas notre roi, c’était une jeune fille… Jonas observe les choses sous les choses — est parti d'Orléans pour aller vivre à Tongres... Jonas est dans la Vallée rouge, et celui qui verra son visage reprendra aux Vascons, ou aux Basques, ou à ceux qui l'ont volé le gerfaut et le royaume...